Coupe de France 1985 1986 Marseille Bordeaux

Finale 
Parc Des princes, paris
30 avril 1986
Arbitre Mr Quiniou 
45429 Spectateurs

 La plus belle fiancée de notre football, la Coupe de France doit désormais se contenter d'amants harassés et fatigués par des matches à répétition qui laissent les organismes les plus robustes sans force. La dernière finale qui a vu s'affronter les Girondins et l'Olympique de Marseille n'a hélas pas failli à cette tradition. Et si les Girondins ont enfin remporté ce trophée après six finales perdues, c'est plus avec leur cœur qu'avec leurs jambes qu'ils ont réussi cet ultime exploit de la saison. Bien avant le match, les entraîneurs étaient persuadés que c'est loin de leur meilleure forme que les deux équipes allaient pénétrer sur la pelouse du Parc des Princes. Si l'Olympique de Marseille semblait moins touché au départ que les Girondins de Bordeaux, ce n'est pas pour autant qu'Olarevic étaient moins soucieux qu'Aimé Jacquet. 

Chez les Phocéens, préoccupés par l'arrivée du tandem Tapie-Hidalgo et par la future orientation du club, cette finale arrivait comme une bouée de sauvetage lancée dans le vieux port pour permettre à certains joueurs de préserver leur carrière. Le seul de ces joueurs à causer des soucis à Olarevic était l'un de ses meneurs de jeu Bernard Zénier qui. finalement devait déclarer forfait. Zénier, de son côté, n'avait pas attendu le résultat de cette finale pour quitter l'effectif marseillais et signer un nouveau contrat avec le F.C. Metz. Une démarche semblant pour le moins précipitée et qui dénotait une inquiétude certaine. Pour les Bordelais par contre, il s'agissait à l'issue d'une saison marquée par une cascade de blessures de racler les fonds de tiroir. Point de Léonard Specht dont la déchirure contractée il y a trois mois sur le terrain Saint-Germain. Deux retours quelque peu précipités par les événements : celui de Bernard Lacombe dont le genou. la veille-même du match était maintenu par une attelle et enflé par l'épanchement du liquide synovial. Celui d'Alain Giresse aussi, convalescent, mais qu'Aimé Jacquet avait convaincu que, même diminué, il devait apporter son concours et son expérience de capitaine à l'équipe. Même la force de la nature qu'est Uwe Reinders avait laissé quelques plumes dans la défense du Paris-Saint-Germain, toujours lors de cette demi-finale fatale à Specht. 



Avec des joueurs au bout du rouleau, il ne fallait donc pas s'attendre à jouir] d'un spectacle limpide, d'un jeu clair, et d'envolées collectives ou individuelles de grande envergure. On espérait toutefois qu'au milieu de ces corps ai corps et de ces incertitudes, l'arbitre Joël Quiniou allait mettre un peu d'ordre dans la maison. A croire que le manque de fraîcheur des joueurs avait contaminé le directeur du jeu. En effet, Joël Quiniou multiplia les hésitations, inversa des décisions apparemment indiscutables et ne vit pas une faute de main tout aussi indiscutable du libero Bonnevay dans sa propre surface de réparation. Malgré un spectacle qui I n'atteignit jamais les sommets, cette finale recela suffisamment de coups de théâtre pour que l'ennui soit absent des débats. C'est vrai que si Reinders avait réussi son premier penalty, ou plutôt si Bell ne l'avait pas stoppé, les Girondins auraient été libérés plus tôt de l'inquiétude qui les envahissait. C'est vrai également que si Joël Quiniou avait vu la main de Bonnevay les Bordelais auraient pu prendre une option définitive sur la victoire dès la fin des quarante-cinq premières minutes. Mais il est tout aussi vrai que si le tir de Diallo dès la reprise, au lieu de percuter la transversale était entré dans le but de Dropsy, les Olympiens pouvaient réussir le K..O. parfait. 

 Enfin, si l'arbitre du centre, lors du second but bordelais avait suivi les indications de son juge de touche on en serait sans doute arrivé à l'épreuve des tirs au but avec tout ce que cela comporte d'aléatoire dans le résultat final. Il y eut donc suffisamment de coups de théâtre pour maintenir l'intérêt de la rencontre. Et si cette finale n'eut pas le don de révéler la valeur collective de l'une ou l'autre des deux équipes, elle eut le mérite de mettre en vedette des individualités. Du côté marseillais, les deux Africains Bell et Diallo furent assez largement au-dessus du lot. Le gardien camerounais a un don du spectacle peu commun. Son rayonnement, son influence en ont fait dans son pays, l'égal de N'Kono : une référence de choix. La performance de Diallo fut pour beaucoup une révélation. Chaque action du Sénégalais mettait au supplice l'intervention de son garde du corps Gernot Rohr. Si l'attaquant marseillais avait réussi ce second but qui échoua, le ballon frappant la transversale, il aurait été le héros du match. Il dut se contenter d'avoir été l'un des acteurs les plus en vue. Le titre de héros, i! doit' le laisser au numéro 14 de la maison d'en face : Jean Tigana. Le faux frère comme on dit à Marseille puisque Tigana a fait ses premières armes de footballeur non loin du Stade Vélodrome et qu'après un périple qui l'a amené à Toulon, à Lyon et à Bordeaux, on pensait qu'il reviendrait cette saison sur la Cancbière. Mais au vu de la saison en tout point exceptionnelle qu'il a réalisé on comprend parfaitement que Claude Be/ ait proposé un contrat royal de cinq ans à un joueur qui a dépassé la trentaine. Tigana a tenu son équipe à bout de bras, insufflant son activité dans toutes les /oncs de terrain. On l'a vu ratisser un nombre prodigieux de ballons dans les pieds adverses, mais on l'a vu également pousser toute sa formation vers le but adverse, on l'a vu enfin se transformer en buteur, permettant ainsi aux siens de refaire surface. Si finalement les Girondins ont remporté la victoire ils doivent une fière chandelle à leur milieu de terrain. Cette Coupe de France s'est jouée sur un coup de dés car très objectivement les occasions de but furent équitablc-ment réparties. Mais l'adresse de Giresse après cent dix-sept minutes de jeu. sa lucidité suffirent pour faire basculer la rencontre. Grâce à ce coup de patte, le capitaine bordelais s'est offert la Coupe de France. 

 La première de sa carrière. Si elle avait choisi d'aller à Marseille, elle aurait constitué un fabuleux pôle d'intérêt pour la saison à venir. En choisissant d'aller se balader sur les bords de la Gironde, elle n'a pas fait non plus un mauvais calcul. C'est en effet une équipe, sur le papier en tout cas. d'une qualité exceptionnelle qui va défendre les chances de la France dans la Coupe d'Europe des vainqueurs de Coupe. On dit de cette compétition, qu'elle est la moins difficile des trois trophées mis en jeu par l'U.E.F.A. La démonstration du Dynamo de Kiev venant contredire cette idée reçue, pour la saison en cours. Jamais une équipe dite « européenne » n'a mis autant d'atouts dans son jeu. Autour de l'axe Dropsy. Battiston et Tigana. le président Bez et l'entraîneur Aimé Jacquet ont investi dans un recrutement quantitatif sans précédent dans l'histoire de notre football. 
 Les frères Vujovic. vedettes à Split et en Yougoslavie vont devoir s'habituer à un rôle d'équipiers de luxe. Avec les internationaux en place, Battiston, Tigana, Giresse, l'entraîneur Aimé Jacquet va devoir composer avec la venue des Vujovic bien sûr, mais aussi de Touré, Vercruysse et Ferreri mais aussi avec l'éclosion d'Alain Roche. Un mélange qui, s'il est réussi, devrait permettre aux Girondins de retrouver la première place dans l'hexagone, mais surtout de devenir l'une des meilleures équipes de club en Europe.




















Buts Diallo (45eme sur penalty, Tigana (52eme), Giresse (117eme)
Bordeaux - Dropsy - Thouvenel, Roche, Battiston, Rohr - Girard, Tigana, Giresse, Tusseau - Lacombe puis Lassagen (64eme), Reinders -
OM - Bell - Anigo, Bade, Bonnevay, Galtier - Zanon puis Lorant (103eme), Martinez, Francini - Diallo, Audrain puis Di Meco (56eme)